Deuxièmes assises africaines de télé-dermatologie

Deux ans après l’édition de Bamako (Mali, Juin 2017), c’est à Lomé (Togo) que 40 dermatologues de 12 pays d’Afrique subsaharienne, de la France et des Etats Unis d’Amérique ont été invités par la Fondation Pierre Fabre et la Société Togolaise de Dermatologie et des Infections Sexuellement Transmissibles (SOTODERM).

Sous le parrainage du Professeur Mustafa MIJYAWA, Ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique, les secondes assises africaines de télédermatologie se sont tenues du 26 au 27 juin 2019 à l’hôtel ONOMO.

Ces deuxièmes Assises avaient pour objectifs de faire le point sur l’état d’avancement des projets de Télédermatologie financés par la Fondation Pierre Fabre au Mali, en Mauritanie et au Togo; de décrire et discuter les conditions de succès mais aussi les difficultés de mise en œuvre et/ou de réalisation pour tirer les enseignements et mieux préparer d’autres pays à se lancer dans des projets similaires. Elles étaient également une occasion de lancer officiellement un autre projet soutenu par la Fondation et qui est piloté par l’Association Nationale des Albinos du Togo (ANAT).

La cérémonie d’ouverture des travaux a été présidée par Madame Midamegbe AKAKPO, Directrice de Cabinet du Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, représentant son Ministre de tutelle. Elle avait à ses côtés, S.E Monsieur Marc VIZY, Ambassadeur de France au Togo, Madame Béatrice GARRETTE, Directrice Générale de la Fondation Pierre Fabre ; Professeur Kissem TCHANGAI-WALLA, Présidente de la SOTODERM ; Professeur Abdoul Rahman Diparidé AGBÈRÈ, Doyen de la Faculté des Sciences de la Santé de l’Université de Lomé et Docteur Mohamed Boubacar ABDEL AZIZ, de la Représentation OMS au Togo. Après les différentes allocutions et le discours d’ouverture une photo de famille (Figure 1) a clos cette phase.

Figure 1: Photo de famille à l’issue de la cérémonie d’ouverture des secondes assises africaines de télédermatologie

La journée du 26 juin a été consacrée aux projets de télédermatologie, à la problématique de la formation des soignants et le transfert de compétences, et la formation initiale et continue des dermatologues avec un accent particulier sur leurs besoins prioritaires (dermatopathologie et dermatochirurgie).

La première session modérée par les Professeurs TCHANGAI-WALLA et FAYE portait donc sur les programmes de télédermatologie soutenus par la Fondation Pierre Fabre et les enseignements tirés de ces programmes.

Figure 2: Professeur Ousmane FAYE

Le Prof Ousmane FAYE du Mali (Figure 2) a inauguré cette session pour faire le point de TELEDERMALI. Après avoir rappelé le contexte du programme Malien de lutte contre les maladies de peau (formation des agents de santé de première ligne, promotion de messages éducatifs à l’endroit des populations, promotion de médicaments essentiels dermatologiques et l’évaluation de l’impact de ces actions Bull World Health Organ 2005; 83:935), il a planté le décor de TELEDERMALI. A l’origine de cette innovation, il y avait, les contraintes et difficultés nationales : contenu formation limitée aux maladies courantes, Turn over important des agents de santé, le « Désert dermatologique » prévalent, les sollicitations fréquentes pour avis diagnostique, le problème d’accessibilité géographique et financière et l’instabilité politique et la crise sécuritaire en 2012. Il y avait également des conditions de succès: initiative peu onéreuse, adaptation au contexte local et reproductibilité. La stratégie utilisée était : i) Formation des agents de santé des centres périphériques à la dermatologie de base, l’usage des Technologies de l’information et de la communication (Internet, logiciel de Télédiagnostic-Bogou) et de la caméra digitale, ii) Envoi des cas difficiles (histoire clinique et photographie) sur la plateforme par les agents de santé, iii) Analyses de ces cas par les dermatologues (diagnostic et recommandation) et iv) Supervision (Contact au téléphone, par courrier et visite de terrain). Les résultats positifs de ce programme pilote avaient été présenté lors des premières assises de Bamako et ont fait l’objet de publications scientifiques (Trop. Med. Infect. Dis. 2018, 3, 88; doi:10.3390/tropicalmed3030088, Bull de l’ALLF n°32, Juin 2017). Face à la satisfaction générale (Prestataires, Usagers, Décideurs de la santé), un projet d’extension à plus 80% des structures de santé du Mali en deux ans a été lancé, toujours avec le financement de la Fondation. Pour cette mise à l’échelle qui constitue une montée en puissance de TELEDERMALI, la priorité sera accordée aux régions défavorisées, aux centres à grosses activités ou enclavés en tenant compte de la disponibilité du réseau internet et en incluant les spécialistes des régions. Le plan de pérennisation prévoit un relais par les centres de santé obligatoire (maintenance, prise en charge des coûts d’exploitation) matérialisée dans une convention de collaboration avec les responsables des structures.

Le dernier chapitre abordé portait sur les principaux atouts et difficultés de TELEDERMALI. Les atouts mis en lumière au plan administratif étaient la connaissance du terrain, l’existence d’un besoin réel des agents, la capacité de résilience des agents et des populations et la volonté politique. Au plan technique, c’est la disponibilité des modules de formation déjà testés, de la plateforme de télé-expertise utilisée, et son caractère frugale (clé, photos, ordinateurs) et la disponibilité des experts (assistance technique fonctionnelle). S’agissant des ressources humaines on notait un personnel engagé, le travail en équipe et le nombre suffisant d’experts dermatologues (10 à Bamako et 7 en régions)

Les difficultés auxquelles TELEDERMALI a fait face sont i) administratives (retard des courriers avec les autorités sanitaires, les réunions préparatoires d’information, la planification et organisation des sessions de formation, le choix des agents à former et des structures, accessibilité géographique lors des voyages d’identification et la notification des cas dans les registres), ii) logistiques (Insécurité dans les régions nord du pays compromettant les voyages de supervisions, la gestion des équipements informatiques-camera photos ou tablettes). Sur le plan technique c’est la familiarité avec les TICs (utilisation des ordinateurs par certains agents), la connectivité (présence et stabilité du réseau 3G), l’obsolescence des équipements (pannes) et l’imperfection de la plateforme qui a été améliorée et la confirmation diagnostique qui a nécessité une supervision mixte. Il a été également noté des centres non fonctionnels (centres muets), des cas de retard de réponse de l’expert (responsabiliser les experts), des images non interprétables (renforcer le module photos) et des commentaires trop sobres (fiche de cas, registres)

Ce chapitre était fini par les défis à relever du projet : inclure toutes les zones difficiles d’accès, assurer la disponibilité de la connectivité partout dans le pays, pérenniser le système et mener l’évaluation finale dans 2 ans d’activité.

Les derniers mots du professeur FAYE appelaient les dermatologues qui font la télé-expertise, nouveau domaine en Afrique, à se fixer de règles en collaboration avec des experts: santé – justice – informatique-religieux, car elles sont encore absentes ; avant de boucler par les remerciements à la Fondation Pierre Fabre, au Réseau en Afrique Francophone pour la Télémédecine (RAFT), au Ministère de la santé du Mali, à la Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie (FMPOS) au centre d’expertise et de recherche en Télémédecine et E santé (CERTES) et Centre National d’Appui à la maladie.

Figure 3: Docteur Mariam KEBE

Ce fut le tour du Docteur Mariam KEBE de la Mauritanie (Figure 3) de faire un gros plan sur le projet de la Société Mauritanienne de Dermatologie (SMD), intitulé « utilisation des technologies de l’information et de la communication pour l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge des maladies de la peau, en Mauritanie ».

Après un bref rappel sur les caractéristiques géographiques et sanitaires de la Mauritanie (1030700 km2, 3596702 habitants, faible nombre et inégale répartition des dermatologues -15 Dermatologues dont 14 exercent à Nouakchott, la capitale) et la SMD (création le 1er juin 2007, aussi appelée Association des Dermatologues Mauritaniens (ADM) et regroupant 11 dermatologues), elle a décrit le contexte du projet, ses objectifs, les acteurs et bénéficiaires, la méthodologie pratique et le suivi-évaluation.

En effet, le contexte mauritanien est marqué par une grande fréquence des affections dermatologiques pouvant être prises en charge au niveau des structures de santé de base et une connaissance imparfaite de ces affections par le personnel de santé exerçant dans ces structures. Cette situation entraîne un retard diagnostique, un coût anormalement élevé des traitements proposés et un recours excessif aux services du niveau supérieur. La télédermatologie à l’aide d’une plateforme électronique en mesure de relier les sites requérants aux Dermatologues à Nouakchott (pour l’interprétation d’images et le traitement) a été choisie comme solution idéale pour pallier ces inconvénients. Ce choix s’aligne parfaitement au programme national de télémédecine (PNT) du gouvernement Mauritanien notamment le projet WARCIP qui compte relier toutes les wilayas du pays par un réseau de fibre optique à haut débit, ouvrant ainsi, de grandes perspectives pour la e-santé (4ème axe du Plan National de Développement Sanitaire – PNDS) intitulé : « Renforcement du système de santé orienté vers la CSU ») en Mauritanie.

Ce projet de la SMD soutenu par la Fondation Pierre Fabre à l’issue d’un processus d’appel à projets, a pour objectif général d’améliorer la prise en charge des dermatoses dans trois régions (Kiffa, Kaédi et Zouerate) grâce à la mise sur pied d’un programme de télémédecine. Spécifiquement le projet vise à :i) répertorier et cartographier les sites bénéficiaires ; ii) identifier et recruter le personnel médical nécessaire à la mise en œuvre de l’activité ; iii) Signer une convention entre la Société Mauritanienne de Dermatologie et le ministère de la santé (septembre 2018); iv) sensibiliser (Novembre2018), pour en obtenir l’adhésion, des responsables à tous les niveaux (ministères, directeurs régionaux, directeurs des centres hospitaliers concernés, etc…) ; v) mettre en œuvre une plateforme électronique de Télédermatologie (04 mai 2019) ; vi) acquérir les équipements nécessaires au fonctionnement de la plateforme (04 mai2019) vii) former tous les acteurs à tous les niveaux (mai et juin 2019), viii) lancer l’activité du projet de Télédermatologie (14 juin 2019) ; ix) faire un suivi et évaluation du projet.

Les acteurs sont les experts dermatologues bénévoles de la SMD qui sont responsables du recrutement et de la formation des agents référents, de la prise en charge des cas postés sur la plate informatique. Le PNT se charge de l’administration de la plateforme et de l’appui technique. Les agents de santé des centre périphériques sont un Médecin et un infirmier par centre:(1 hôpital régional et trois centre de santé- douze sites pour les trois régions) sélectionnés en collaboration avec les Directeur régionaux afin de s’assurer de leur stabilité dans le site après leur engagement dans le projet. Enfin la Fondation Pierre Fabre apporte son financement à ce projet.

Les populations cibles des trois régions et environs sont les bénéficiaires. Une sensibilisation est prévue après la mise en place du projet pour informer les populations de la disponibilité du service de télémédecine et éviter le déplacement des patients jusqu’à la capitale pour les besoins de soins de la peau. Les patients devront s’acquitter du droit habituel de consultation pour le compte de l’hôpital ou du centre de santé. Il n’y a pas de surcoût lié à la téléexpertise.

C’est la méthode de Store and Forward qui est utilisée par les personnels formés. Devant un cas de dermatose une fiche est remplie et des photos prises et traitées puis transférées à partir d’un ordinateur sur la plateforme connectée au serveur central du PNT. L’analyse des experts dermatologues peut être faite immédiatement ou après. Ils consignent ensuite, leurs comptes rendus validés et les traitements proposés sur la fenêtre qui y est réservée, pour les requérants des régions. Les dermatologues se relayeront quotidiennement pour répondre aux cas postés sur la plateforme (délai de 24 à 48 heures). Les cas nécessitant une réunion collégiale seront finalisés dans un délai d’une semaine. Les urgences seront immédiatement gérées par les dermatologues. Dans ces cas particuliers (nécessité de référence à l’hôpital régional ou à Nouakchott pour investigations et traitements particuliers), la visioconférence (live and interactive) pourra être utilisée pour de la téléassistance (un expert à Nouakchott assiste, par cette voie, un médecin généraliste dans un hôpital régional pour une prise en charge particulière.).

Le personnel médical engagé a reçu préalablement une formation initiale sur les aspects médicaux et sur l’utilisation et la maitrise des TICs mis en œuvre. La formation médicale a porté sur les motifs fréquents de consultation dermatologique en Mauritanie (Mycoses superficielles, dermatite atopique, eczéma de contact, gale, acné, infections cutanées bactériennes, infections cutanées virales, leishmaniose, mycétome, larva migrans, lèpre). Des formations complémentaires pourront être réalisées en cas de besoin (autre dermatose non prise en compte lors de la formation initiale, fréquence élevée dans un site donné). Des recyclages périodiques peuvent être envisagés à la lumière des besoins éventuels au cours du projet (vidéoconférence). Ces agents référents ont été formés sur les TICs : utilisation de matériel informatique (ordinateurs et des appareils photo), technique de prise de photos de qualité en fonction des lésions et utilisation la plateforme pour poster les cas et/ou répondre aux questions des Experts.

Les premières difficultés rencontrées sont la complexité des Marchés publics (manque de garantie), le problème de transferts bancaires, le respect du calendrier (disponibilité des experts et des agents, ramadan, élections).

Les perspectives sont la formation continue du personnel médical et paramédical, le E-learning pour les élèves des écoles de santé de Kiffa, Néma, Sélibaby et Rosso. Les grands défis sont l’accès financiers aux médicaments essentiels et de protection solaire (Albinos, Xeroderma pigmentosum), la motivation des agents de santé requérants et des experts dermatologues (Bénévoles mais charge de travail supplémentaire importante) et la mobilisation des ressources (ONG, Décideurs). Une extension à l’échelle du territoire national de ce projet est prévue en fonction des enseignements tirés de la phase pilote (les problèmes médical et technologique). Le Dr KEBE a fini son exposé par des remerciements à la Fondation, à la SMD et PNT.

Figure 4: Professeur Vincent PITCHE

Enfin le professeur Vincent Palokinam PITCHE du Togo (Figure 4) a clôturé cette session par la présentation de la SOTODERM portant sur le même sujet. Il a également rappelé le contexte local avant de détailler le contenu du projet « Télédermatologie-Togo ».

La situation dermatologique du Togo est donc caractérisée une fréquence élevée des affections cutanées (deuxième motif de consultation externe-MSPH 2018) qui contraste avec deux faits importants : i) la modicité de la compétence dermatologique des professionnels de santé des structures de santé périphériques et l’insuffisance de spécialistes de la peau (16 pour 7.5 millions soit un dermatologue pour 400.000 hbts), ii) l’absence de programme national spécifique de prise en charge des maladies de peau (MDP). Le programme national de lutte contre le SIDA et les IST, le programme Lèpre/Ulcère de Buruli/pian et le programme de lutte contre les maladies tropicales négligées sont les trois programmes nationaux qui abordent des questions de dermato-vénérologie. Face à cette situation la télédermatologie est apparue comme une alternative novatrice et très contributive à la prise en charge des MDP dans les zones périphériques au Togo.

Le projet de la SOTODERM (Utilisation des TIC pour l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge des maladies de peau au Togo) a été soumis à la Fondation Pierre Fabre à l’issue de son appel à projets au lendemain des assises de Bamako et approuvé par son Conseil d’Administration du 6 décembre 2017. Prévu pour une durée de 5 ans (Juin 2018 à Juin 2023), il a pour objectifs spécifiques de : i)élaborer et produire des guides de formation des agents de santé, ii) former les agents de santé sur la prise en charge des MDP courantes et sur l’utilisation des TIC et iii) vulgariser l’utilisation de ces TIC dans la prise en charge correcte des dermatoses courantes.

Les résultats attendus sont la formation de 100 agents de santé sur la prise en charge des dermatoses courantes et l’utilisation des TIC dans 50 centres de santé périphériques en deux phases : pilote sur 20 sites (2 ans) et extension sur 30 sites (3 ans)

Les atouts pour la réalisation de ce projet sont l’engagement de tous les dermatologues à travers  la SOTODERM, l’adhésion du ministère de la santé et l’implications des responsables de terrain (Directeurs régionaux et préfectoraux de la santé), les besoins non satisfaits en matière de formation continue des professionnels de santé sur les maladies cutanées et les effets positifs des TICs, une innovation à haut impact pour l’amélioration de la prise en charge des problèmes de santé (rapprocher des soins de qualité des malades)

La méthodologie utilisée a consisté à l’obtention d’un consensus sur les affections courantes pouvant à faire l’objet de délégation de tâche (Juin-septembre 2018), l’élaboration d’un guide national de prise en charge des affections courantes avec des algorithmes et une iconographie, la validation et la production du guide. La deuxième étape était la visite de terrain (explication du projet et accord sur le choix des sites) pour rencontrer les responsables régionaux et préfectoraux et responsables des sites (Novembre 2018) et le lancement du processus d’achat du matériels TIC (ordinateurs et appareils photo et clés internet 3G) en février-mars 2019 après l’acquisition du financement des activités. L’étape suivante était la formation clinique des agents de santé (fonds propres de SOTODERM) en avril puis la formation clinique et TIC avec l’appui de deux experts Maliens (Financement Fondation Pierre Fabre) en mai 2019. Enfin le lancement officiel d’utilisation de la Plate-forme BOGOU (RAFT) le 20 mai 2019.

Comme résultats préliminaires 43 professionnels de santé de 31 structures de soins ont été formés à l’utilisation du guide national, 40 agents de santé (4 médecins généralistes, 23 assistants médicaux et 14 infirmiers) des 20 sites pilotes (3 CHR, 10 hôpitaux de district, 5 Centres médico-sociaux et 1 hôpital confessionnel) ont reçu une formation clinique et TICs. Le nombre de cas postés sur Bogou (20 mai -13 juin à 16h GMT) était de 165 cas. Les 20 sites ont posté en moyenne 8 cas (extrêmes 2 et 31 cas)

Les difficultés, essentiellement techniques, étaient la maitrise insuffisante de l’outil informatique, la qualité insuffisante des photos (quelques agents), la mauvaise connectivité internet (zone rurale), le problème de téléchargement des images et l’épuisement précoce du crédit internet (1 semaine au lieu des prévisions d’1 mois) pour les sites très actifs

Comme leçons apprises on relève l’intérêt de l’élaboration du guide de prise en charge qui a permis une harmonisation de la formation et permis aux agents d’avoir un document de travail, la création d’une plate-forme de WhatsApp pour aider à la gestion des difficultés quotidiennes sur les sites

Les principaux défis sont la permanence des agents formés à leurs postes à court et moyen terme, la disponibilité et l’accessibilité financières des médicaments indiqués dans le guide, la fonctionnalité des TIC sur le terrain et la bonne coordination des actions entre toutes les parties prenantes.

Il a terminé sa présentation par les remerciements à toute l’équipe de la Fondation Pierre Fabre au Ministère de la santé et de l’Hygiène publique, aux membres de la SOTODERM, à tous les agents de la santé des sites pilotes et aux experts maliens (Prof Ousmane FAYE et Dr Tidiane TRAORE)

Ces trois présentations ont suscités des commentaires et des questions divers sur Les enseignements de ces programmes de télédermatologie. Les différents orateurs ont apportés des éclaircissements sur les étapes d’élaboration, les goulots d’étranglement et les solutions adaptées à notre contexte de ressources limitées.

La deuxième session de la journée était consacrée aux enjeux de formation des soignants (médecins / infirmiers) et de transfert de compétences et modérée par les professeurs NIAMBA, et ADEGBIDI. Elle a été ponctuée par deux présentations et une table ronde associant les équipes du Burkina Faso (Dr TIOYE , M.YONI ), du Mali (Pr FAYE , M.CISSE ), de la Mauritanie (Dr KEBE  et Dr DAHA  et du Togo (Pr SAKA , M. BAGUEWABENA , M. ASSOUMANOU ).

Figure 5: Emilie LAURESSERGUES

La première présentation a été faite Mme Emilie LAURESSERGUES (Figure 5), Chargée d’Etudes à la Fondation Pierre Fabre. Elle a rapporté les résultats d’une enquête auprès des dermatologues de 12 pays d’Afrique Subsaharienne qui participaient aux assises, à savoir : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée-Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo (RDC), Sénégal et Togo. Au total 308 dermatologues exercent dans ces pays avec des ratios par habitants variant entre 1 dermatologue/267.000 habitants au Sénégal et 1 dermatologue/3.700.000 habitants en RDC (Tableau I).

Parmi les pathologies les plus fréquentes, il y avait les dermatoses infectieuses (43%), immuno allergiques et inflammatoires (33%), les plaies et cicatrisation 7%, les cancers cutanés 6%, et les dermatoses bulleuses auto-immunes et les maladies systémiques (4%). La demande de cosmétologie représentait 7%.

Les cancers cutanés et les dermatoses bulleuses auto-immunes étaient les pathologies les plus sévères (67%), suivies des maladies systémiques (42%), des toxidermies graves et dermatoses inflammatoires (34%), des mycoses profondes et maladies parasitaires (25%). D’autres pathologies comme les ichtyoses érythrodermiques ou encore des ulcérations étendues ont été citées.

La petite chirurgie (biopsie, curetage et autres) était l’acte le plus pratiqué par ces dermatologues suivie de la cryothérapie, de l’électrocoagulation, des infiltrations et test allergologiques. Quelques actes de Laser et d’ionophorèse ont été signalés.

Les corticoïdes et les antimycosiques (antifongiques) étaient les médicaments les plus prescrits (92%), suivis des antibiotiques et antiseptiques (75% et 58%), des antihistaminiques (50%). Les antiscabieux, les antiacnéiques, les immunosuppresseurs et les kératolytiques étaient également prescrits. L’usage des biothérapies était exceptionnel.

Il y avait une réelle difficulté d’accès aux immunosuppresseurs et anti cancereux divers (maladies de Kaposi), à la cryothérapie, à la dermatopathologie, la dermatochirurgie et le laser. Les autres médicaments inaccessibles étaient les antifongiques systémiques, le glucantime, les dérivés de vitamine A et D, les biothérapies, la phototéhrapie et les nouveaux pansements.

Concernant les formations existantes en dermatologie pour les soignants, seul le Mali proposait déjà une formation aux agents de santé à la base. Les infirmiers et médecin généralistes étaient ciblés par une formation de dermatologie au Bénin, au Cameroun, à Madagascar et au Niger. Il y avait un besoin unanime de formation des agents de santé en zone rurale, et les thématiques prioritaires à enseigner ont été identifiées. Il s’agissait en premier de la PEC (diagnostic et traitement) dermatoses courantes (les pathologies infectieuses, immunoallergiques, et inflammatoires), de la prévention des cancers (surtout chez l’albinos), des soins des plaies et mesures d’hygiène. D’autres aspects comme les médicaments essentiels (pharmaco thérapeutique en dermatologie. La dermatologie pédiatrique, la dermatochirurgie, dermato pathologie relevaient des sous spécialités demandées par les dermatologues.

La cible prioritaire de ce transfert de compétences était : médecins généralistes, infirmiers, agents de santé communautaires et pairs éducateurs, et spécialistes (dermatologues, pédiatres, sages-femmes), sous forme de formation initiale (25%) plus facile à mettre en place au sein des facultés de médecine et continue (75%) sur le terrain. Tous les dermatologues enquêtés étaient favorables à participer à un groupe de réflexion sur la question.

En concluant sa présentation, Mme LAURESSERGUES a résumé les résultats de cette enquête en 6points : i) Pathologies les plus courantes (dermatoses infectieuses, immunoallergiques et inflammatoires ii) Pathologies de PEC difficile (dermatoses bulleuses auto-immunes, cancers cutanés, maladies systémiques, iii) Difficulté d’accès aux immunosuppresseurs et anti tumoraux, cryothérapie et anatomopathologie iv) besoins en formation (dermatoses courantes, cancérologie cutanée, soins des plaies et hygiène préventive, v)cible prioritaire de cette formation (Médecins généralistes, Infirmiers, Agents communautaires) et vi) la formation continue à adopter. Ce sont ces points qui ont fait l’objet de débats au cours de la table ronde intitulée : « Le transfert de compétences auprès des soignants : vers une approche globale sous régionale ».

Avant ces débats, le Professeur FAYE, premier intervenant au cours de la session précédente a repris l’historique de l’expérience du Mali en matière de formation des agents de santé périphériques. Rappelant le contexte de la Dermatologie en Afrique dominée par les Maladies Tropicales Négligées (MTN) selon la définition de l’OMS et les Maladies cosmopolites infectieuses aussi négligées, il a sur la base des chiffres publiés au Mali et en Afrique subsaharienne, démontré que les affections dermatologiques étaient un problème de santé publique tant par la fréquence que par les risques de complications potentielles. On pouvait retenir que les affections dermatologiques (essentiellement infectieuses) étaient le 4è motif de demande de soins dans les services non spécialisés (11, 7% Mahé A et al. Int J Dermatol.1997). Les études menées en Dermatologie au Mali (Mahé A et al. Skin diseases in Bamako (Mali). Int J Dermatol. 1998 Sep;37(9):673-6) recommandaient la mise en place d’une politique de santé publique pour la prise en charge rationnelle de ce problème auquel s’additionnait le manque de spécialistes (30 dermatologue pour 18 Millions d’habitants dont 25 à Bamako, 7services spécialisés), source de diagnostic incorrect dans 40% des cas (Mali Medical 2003; TXVIII : 32-4), de prescription médicamenteuse inadaptées et non nécessaires (Cout/ordonnance: 3000- 6000 CFA)

Les contraintes et difficultés rencontrées étaient liées au contenu de formation limité aux maladies courantes (Nécessité de faire des formations continues), au Turn over important des agents de santé, au « Désert dermatologique prévalent », aux sollicitations fréquentes des agents de santé pour un avis diagnostique et enfin au problème d’accessibilité géographique et financière des populations. L’instabilité politique et la crise sécuritaire en 2012 ont été des facteurs additionnels. Pour pallier ces éléments, une alternative novatrice a été mise en place : la téléexpertise avec «TELEDERMALI»

Concluant sa présentation, le Professeur FAYE a insisté sur la faisabilité du programme de santé pour la lutte contre les maladies de peau, son impact positif sur la prise en charge des affections cutanées, son coût-efficacité. Il s’agit de programme simple et reproductible dans les pays à ressources limités. Il a remercié les différents partenaires de ce programme à savoir la fondation Pierre Fabre, La Fondation Internationale de Dermatologie(ILDS), l’Association Canadienne de Dermatologie, la Société Française de Dermatologie, la Société Suisse de Dermatologie et Vénéréologie (SSDV) et le CNAM.

Au cours de la table ronde (Figure 6), les différents contributeurs de la table ronde ont félicité l’équipe du Professeur FAYE pour le travail important abattu pour améliorer la santé cutanée des populations Maliennes. Ils étaient unanime sur l’intérêt et la nécessité de ce transfert de compétences, cette délégation de tâche de dermatologie. Tirant les leçons de lutte contre les grandes endémies où les pays africains avaient formé des « infirmiers-lèpre » par exemple, les contributeurs ont relevé les bons résultats obtenus (élimination et/ou éradication de plusieurs d’entre elles), mais aussi les dérives en matière de prise en charge dermatologiques. La source de ces dérives était probablement un manque de supervision de ces agents formés. Cette situation a entrainé une frilosité chez les dermatologues pour un transfert de compétences mal organisé. Il a donc été suggéré par les intervenants : i) l’introduction de module harmonisé de formation (définition du contenu à transférer) en dermatologie dans les écoles d’infirmier et le renforcement de la formation continue ii) la définition des limites de compétences des agents formés sur les dermatoses courantes, iii) la supervision continue de ces agents, iv) le développement de la télédermatologie et v) la vulgarisation de la spécialisation en dermatologie.

Figure 6: Table ronde Enjeux de la formation des soignants et transfert de compétences
Figure 7: Professeur Gérard LORETTE

La dernière session de la journée a été consacrée à la spécialisation des dermatologues. Elle a été modérée par le Professeur Gérard LORETTE (figure 7). Au début de cette session, Mme LAURESSERGUES a présenté la synthèse des résultats d’enquête auprès des dermatologues participants. La couverture dermatologique insuffisante des 12 pays d’Afrique subsaharienne a été rappelée (Tableau I). Les médecins ou internes en spécialisation (étudiants en DES 2018-2019) étaient 147, répartis dans les pays formateurs: Bénin (7), Burkina Faso (14), Côte d’Ivoire (62), Madagascar(5), Mali (17), RDC (10), Sénégal (20) et Togo (12). Le Cameroun, la Guinée-Conakry, la Mauritanie et le Niger n’offraient pas spécialisation en dermatologie aux médecins. Une projection à 5 ans du nombre de dermatologues dans ces pays (sauf le Cameroun et la Mauritanie) portait l’effectif à 468 dermatologues, toujours insuffisant pour couvrir les besoins (dermatologue/habitants entre 1/228.000 et 1/2,9M). Les besoins de formation exprimés par les dermatologues portaient sur la chirurgie (petite chirurgie, chirurgie spécialisée et réparatrice), l’anatomopathologie, l’allergologie, la dermatologie interventionnelle et la dermoscopie, la dermatologie pédiatrique et la téléexpertise. Les formations à la recherche, à la pédagogie et la prise en charge des plaies et cicatrisation ont été également évoquées.

Deux principaux besoins se sont détachés du lot : la chirurgie, la dermatopathologie et ont fait l’objet de débats au cours de la table ronde. Concernant spécifiquement la dermatopathologie, on retrouve environ 112 anatomopathologistes dans ces pays et huit dermatopathologistes (Tableau II). Le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Madagascar, le Mali, la RDC et le Sénégal proposaient des formations d’anatomopathologie.

Les analyses anatomopathologiques étaient la cytopathologie et l’histopathologie (Coloration HE & colorations spéciales). La demande portait sur la formation de dermatopathologistes, du personnel des laboratoires, l’accès aux automates et réactifs et l’immunohistochimie. L’absence de standardisation/norme a été soulevée par les enquêtés

La  table ronde intitulée «Plan d’action pour une approche globale sous régionale de la chirurgie cutanée) a eu pour base de discussion le résumé du chapitre sur la spécialisation de dermatologue: i) une absence de DES de Dermatologie au Cameroun, en Guinée, en Mauritanie et Niger, ii) les principaux pays formateurs sont la Côte d’Ivoire (62 étudiants), le Sénégal (20 étudiants), le Mali (17 étudiants) et le Burkina Faso (14 étudiants), iii) la reconnaissance des diplômes au sein de la CEDEAO et à Madagascar (reconnaissance nationale et française), iv) des besoins de formation en chirurgie (Petite chirurgie, Chirurgie spécialisée, Chirurgie réparatrice de cancers cutanés et des lupus profonds), en anatomopathologie, en allergologie et dermatologie interventionnelle, v) les besoins en anatomopathologie porte sur la dermato pathologie, la qualification du personnel, l’immunohistochimie, l’accès aux automates et réactifs, et la standardisation/normes. Les modalités de réponse adaptée seront définies après différentes consultations.

Les principaux contributeurs de cette table ronde étaient : Pr E.A. KOUOTOU du Cameroun, Pr F RAPELANORO RABENJA et Dr S ADAM du Togo. L’importance de la demande en dermatochirurgie n’a pas été comprise tout de suite comme besoin prioritaire. Les différents commentaires ont permis d’en comprendre l’intérêt qui était lié à la sous spécialisation de plus en plus nécessaires (importante de la demande par les patients). La Côte d’Ivoire est apparu comme le pays le plus avancé en la matière en Afrique subsaharienne. Un service de dermato chirurgie est fonctionnel et animé par deux agrégés de dermatologie (Prs KANGA et KASSI). Il sert déjà de cadre de formation a plusieurs dermatologues de la régions subsaharienne sous forme de stage de 3 à 6 mois, pris en charge par les prétendants. Unanimement il a été retenu que ce service devienne le pivot de cette formation en dermatochirurgie. Les conditions pratiques feraient l’objet de discussions et propositions au sein de la Société de Dermatologie d’Afrique Francophone (SODAF) présidée par Prof Adama TRAORE). Aussi la dermatochirurgie est une sous spécialité qui est encadré par des normes internationales. Il est important de ne pas s’y aventurer sans formation et/ou supervision préalable, relevait le Dr ADAM. Ce dernier a insisté sur la nécessité d’une collaboration entre les équipes (dermatologie et chirurgie).

Figure 8: Docteur Folence POLI

La deuxième journée des assises était focalisée sur la prévention et prise en charge des cancers cutanés chez les personnes atteintes d’albinisme. Une cérémonie de lancement officiel et la présentation des programmes au Togo (Association Nationale des Albinos du Togo -ANAT et la SOTODERM), au Mali (Mme A. Diakité, Solidarité pour l’Insertion des Albinos du Mali – SIAM), en Tanzanie et au Malawi (Fondation Pierre Fabre) ont ponctuées la première partie de la matinée du jeudi 27 juin 2019.  La dernière partie a été meublée par une co-présentation d’une proposition de protocole de formulation et de contrôle qualité de crème de protection solaire optimisée pour la sous-région (Fondation Pierre Fabre, Faculté de pharmacie). Les sessions ont été modérées par Docteur Florence POLI (figure 8).

 

 

Figure 9: Mme Béatrice GARRETTE

La Cérémonie de lancement a commencé par le mot de Mme Béatrice GARRETTE (Figure 9), Directrice Générale de la Fondation Pierre Fabre pour planter le décor sur cet axe des activités de la fondation et décliné pourquoi le projet de l’ANAT avait retenu l’attention du conseil d’administration. C’était ensuite le tour de M Souradji OURO YONDOU du président de l’ANAT de situer le contexte du projet et remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à son élaboration. Après une co-présentation de ce projet a été faite par le Professeur Bayaki SAKA et M OURO YONDOU. Une discussion générale a précédé la coupure du ruban (Figure 10) symbole du lancement officiel de ce projet.

 

 

Figure 10: Cérémonie de coupure de ruban

La présentation du programme au Togo a commencé par la définition et l’épidémiologie de l’albinisme, les aspects médicaux de la prise en charge de l’albinisme. Cette partie a été exposée par le professeur Bayaki SAKA (Figure11).

Figure 11: Professeur Bayaki SAKA

En l’absence de structure gouvernementale dédiée, les personnes atteintes d’albinisme (PAA) se sont regroupés au sein de l’Association Nationale des PAA du Togo (ANAT) en mars 2012 avec un bureau national et cinq représentations régionales. Les actions de l’ANAT dans le domaine sanitaire sont : i) Sensibilisation et information; ii) Consultations dermatologiques foraines ; iii) Production de crèmes solaires et distribution de kits de protection solaire ; et iv) Plaidoyer. Ses activités ont permis entre autres de recenser 322 PAA dans 21 villes avec prédominance féminine (51,7%) et en majorité des jeunes (64,2% âgé de 01 à 30 ans et 35,8% plus de 31 ans). Plus de 62% de PAA présentaient des dermatoses (de la rougeur sur la peau aux tumeurs cancéreuses) et 37.5% avaient une peau saine à l’examen.

Le projet soumis conjointement avec l’ANAT à la Fondation Pierre Fabre a pour objectif général d’améliorer la prévention et la prise en charge des maladies cutanées des PAA au Togo. Spécifiquement, il vise à améliorer la connaissance de la population sur la maladie, à renforcer la protection des PAA contre la dégradation de la peau, à améliorer la prise en charge médicale des PAA souffrant d’affections cutanées et documenter l’épidémiologie de l’albinisme au Togo.

Les missions des acteurs médicaux impliqués sont : la sensibilisation des PAA et/ou leurs des parents sur la photoprotection et les effets néfastes des rayonnements solaires, les consultations foraines (à raison 30 PAA et éventuellement personnes non PAA à consulter par ville en 2 jours par les deux dermatologues et un chirurgien plasticien et maxillo-facial) dans des centres publics de santé. Les principales phases de ces consultations sont : l’examen systématique complet à la recherche d’une dermatose (lésions précancéreuses type kératose actiniques ou lésions cancéreuses type carcinome épidermoïde, dermatoses infectieuses, immuno-allergiques etc.), la prise des images des différentes lésions observées pour en faire une photothèque, la cryothérapie extemporanée sur les lésions précancéreuses ; dans certains cas à Lomé (lésions multiples, non disponibilité azote liquide) à des dates précises, l’acheminer les prélèvements biopsiques à Lomé (CHU SO) pour un examen histopathologique (malignité des  lésions, préciser les marges d’exérèse). Une publication de rapport médical à l’issue de chaque campagne et d’articles scientifiques avec l’accord des parties (Fondation Pierre Fabre, ANAT). Les connaissances, attitudes, et pratiques des PAA sur la photo protection et la prévention des cancers cutanés  étaient la première thématique à évaluer.

Les résultats attendus du projet sont : i) 100 séances de sensibilisations de masse organisées dans dix (10) villes, ii) 4 800 brochures et 01 film de sensibilisation, iii) 5 campagnes foraines de sensibilisation et consultations de 25 jours chacune (1 / 6 mois), iv) 600 PAA consultées (une ou plusieurs fois); v) 6000 pots de crèmes solaire produits et distribués aux PAA vi) 220 Patients référés aux chirurgiens (110 lésions simples et 110 lésions complexes), vii) 600 chapeaux à bords larges distribués aux PAA et des rapports médicaux des campagnes et articles publiés.

Figure 12: M Souradi OURO YONDOU

Monsieur Souradji OURO YONDOU (figure 12), coordonnateur dudit projet interviendra ensuite pour faire l’état d’avancement du projet au 21 juin 2019. On retient comme activités de prévention réalisées : 20 sensibilisateurs sélectionnés et formés dans les 10 villes, 4800 brochures d’information produites, un film de sensibilisation réalisé, 02 campagnes de sensibilisation de masse organisées dans les 10 villes (février et juin 2019) qui ont permis de sensibiliser 386 PAA, de distribuer 988 Brochures de sensibilisation, 347 Crèmes écran solaire, 281 Chapeaux à bord larges et 234 lunettes solaires.

Dans le chapitre des activités médicales, une première campagne de consultations dermatologiques et de prise en charge de lésions précancéreuses et cancéreuses a été organisée dans trois villes sur 10 (Lomé, Aného et Kpalimé). Elle a permis de consulter 95 PAA dont 52 ont eu une séance de cryothérapie (Tableau III).

 *Prise en charge en cours

Ailleurs le projet a permis l’installation d’une connexion internet au siège de l’ANAT l’acquisition d’un véhicule pour la coordination du projet et les campagnes de consultations foraines. Des rapports d’exécution ont été élaborés et partagés avec les parties prenantes.

Les difficultés rencontrées sont le retard dans l’acquisition du matériel médical et des éléments chimiques pour la production de crèmes solaires, l’existence de cas très complexes nécessitant une prise en charge exceptionnelle et la sous-estimation du nombre de dermatologues pour assurer les consultations dans certaines grandes villes comme Lomé. Des suggestions concernant la possibilité d’une prise en charge exceptionnelle pour les cas de lésions très complexes, le renforcement de l’équipe médicale par un dermatologue et la possibilité de commander les  matériels médicaux auprès des fournisseurs locaux ont été discutées.

Le coordonnateur a fini son exposé par les remerciements à l’endroit de La Fondation Pierre Fabre de la SOTODERM et de l’équipe de chirurgie maxillo-faciale du CHU-SO, pour laisser place au Film de sensibilisation évoqué dans les résultats préliminaires du projet.

Figure 13: Mme Aicha Diakité

Les interventions de SIAM sont : la prévention à travers la production et la distribution de crèmes solaires, la prise en charge médicale des cas de cancers cutanés, l’éducation à travers le financement de frais de scolarité de quelques enfants et le soutien aux PAA par la prise en charge d’activités génératrices de revenus.C’était ensuite de le tour de Mme Aicha Diakité (Figure) de présenter l’Association Solidarité pour l’Insertion des Albinos du Mali (SIAM) créée sous le récépissé n°0122 du 18/06/2009.Ses activités ont été lancées officiellement le 20 Février 2010, avec comme objectif principal la prévention et la lutte contre le cancer cutané à travers la production et la distribution de crèmes solaires. Elle a aussi rappelé la définition de l’albinisme et ses conséquences physiques, ainsi que les grandes difficultés d’intégration (ségrégation sévère) dans la société malienne en particulier. Elle a surtout insisté l’impact des mauvaises croyances sur les personnes qui en sont atteintes. On retiendra que l’albinisme serait un signe pouvant provoquer la colère des dieux, le sang ou les membres des albinos peuvent rapporter richesses à d’autres machiavéliques Tous motifs à l’engagement de SIAM à apporter sa contribution dans la lutte contre la discrimination des albinos. Les principaux atouts invoqués sont : convention de partenariat avec le Centre Nationale d’Appui à la lutte contre la Maladie (CNAM) en janvier 2011, principale structure de prise en charge de toutes les maladies de la peau, y compris la prise en charge des personnes atteintes d’albinisme ; Existence d’un local aménagé au sein du CNAM, depuis février 2011, pour la production de crèmes solaires (activité financée par la  Fondation Pierre Fabre depuis 2016)

Les activités menées depuis le lancement officiel de l’association sont: la formation de 10 jeunes PAA en informatique, la distribution gratuite, mensuelle de crèmes solaires, l’achat de matériel médical destiné au CNAM pour pratiquer des interventions chirurgicales pour le traitement des tumeurs cancéreuses, l’organisation de consultations ophtalmologiques gratuites et distribution de verres correcteurs et/ou solaires en partenariat avec Association Professionnelle des Intervenants dans le Domaine de l’Optique au Mali (APIDOM), la prise en charge des frais de scolarité de 52 élèves atteints d’albinisme depuis 3 ans, le financement de 5 activités génératrices de revenus depuis 3 ans. Actuellement toutes nos activités (Tableau IV) sont financées et soutenues par la Fondation Pierre Fabre. Depuis 2011, la SIAM a produit plus 17 000 pots de crèmes écran solaires qu’elle a mis à la disposition de ses membres et des dermatologues du CNAM, dans le but de fidéliser les malades aux visites médicales au niveau du CNAM

Le coût des consultations ophtalmologiques et la conception de verres correcteurs s’élève à 3.735.000 CFA.

Les difficultés rencontrées dans le cadre de la prévention des cancers et des états précancéreux sont le manque de statistiques fiables sur le nombre exact des PAA au Mali, la Difficulté d’accès aux écrans solaires, la survenue de cancer de peau, le manque d’une politique de prévention adaptée, l’absentéisme des malades sous contrôle médical. Dans le cadre de la promotion de l’éducation scolaire des enfants on relève la déperdition scolaire en raison des problèmes de vision, l’inaccessibilité des verres correcteurs (coûts élevés), l’inaccessibilité des emplois dans l’administration. Le rejet social, la difficulté d’acceptation.et la perception négative de l’albinos, la Marginalisation et la discrimination sociale empoisonnent la vie sociale des PAA au Mali.

Mme Diakité a clos sa présentation par les remerciements à tous leurs partenaires notamment la Fondation Pierre Fabre et le CNAM, pour laisser place à la diffusion du film sur son activité au Mali.

Figure 14: Mme Léa MATEL

Mme Léa MATEL (Figure14), chef de projets à la Fondation Pierre Fabre, a poursuivi la présentation des programmes sur l’albinisme par les expériences en Tanzanie et au Malawi. La prévention des cancers cutanés chez les personnes atteintes d’albinisme dans ces deux pays est pilotée par Sanding voice, une organisation non gouvernementale (ONG) internationale basée en Tanzanie avec son quartier général au Royaume-Uni. (http://www.standingvoice.org/). Elle est soutenue par la Fondation depuis 2016 en Tanzanie puis au Malawi depuis 2017.

Les activités réalisées lors des «cliniques» sont : sensibilisation et éducation thérapeutique, consultations médicales, dépistage de lésions précoces et prise en charge (cryothérapie, chirurgie), et fabrication locale de crèmes et distribution gratuite de protections solairesEn Tanzanie, le programme de prévention des cancers cutanés (Skin Cancer Prevention Program) chez les PAA est  initié en 2016 pour 4 ans dans un contexte où les PAA étaient 16.477 en 2012 au niveau national (Prévalence:1/2989).

Depuis 2016, on note une consolidation des cliniques existantes et une extension progressive à l’ensemble du pays (Figure 15).

Figure 15 : Carte des cliniques opérées par Standing Voice en 2018

En 2019, le Skin Cancer Prevention Program poursuit son développement en Tanzanie, incluant désormais 3341 PAA. Les services sont dispensés dans 51 localités au sein de 11 régions de Tanzanie. La crème solaire (Kilisun® SPF 50+) est fabriquée localement à Moshi au pied du Kilimandjaro par la Kilisun Production Unit (KSPU). En 2018, 12896 pots ont été produits. La Distribution se fait dans 21 régions, couvrant environ 80% de toutes les régions de la Tanzanie continentale ;  dans les écoles, les centres de santé et les partenaires du programme. Les bénéficiaires (5.135 dont 3.546 reçoivent un approvisionnement régulier) sont invités à retourner les pots Kilisun usagés, à titre de mesure approximative de la conformité (30%).

Par ailleurs entre 2013 et 2015, il a été noté une augmentation du nombre de lésions identifiées en corrélation avec l’importante expansion géographique du programme. De nouveaux patients sont inclus chaque année, la majorité n’ayant encore jamais bénéficié de soins dermatologiques ou de moyens de prévention, ce qui fait que l’état de la peau est généralement mauvais au premier examen. Depuis 2016, une cohorte de patients sont régulièrement suivis.

Sur le plan scientifique Standing Voice  a mis en place un Comité consultatif de dermatologues internationaux, développé du matériel de formation (Publication d’un guide de bonnes pratiques pour les consultations et la petite chirurgie le 13 juin 2019 lors du Congrès Mondial de Dermatologie à Milan). Elle conduit actuellement plusieurs travaux de recherche. L’ONG anime des ateliers de formation continue, théoriques et pratiques à destination des dermatologues communautaires pour assurer un dépistage et une prise en charge de qualité (séances en classe et au bloc opératoire). A terme, les chirurgies mineures devraient être programmées après chaque clinique et réalisées sur site, par les dermatologues communautaires.

Au Malawi, c’est une réplication du programme de prévention des cancers cutanés chez les PAA. Le contexte local est marqué par un accès très limité aux services de santé en zones rurales, une absence de programme de dermatologie (60% des PAA interrogées n’avaient jamais reçu de soins dermatologiques), une méconnaissance de la photoprotection (application de crème). Un projet pilote a été initié fin 2016  dans le District de Mangochi (Sud du Malawi). Les principaux partenaires sont l’Association of Persons with Albinism Malawi (APAM), le gouvernement du Malawi. Ce dernier soutien le projet par des ressources humaines en santé (3 dermatologues, assistants médicaux et agents de santé locaux.), la mise à disposition des infrastructures de santé, les moyens de transports des équipes. La fabrication des crèmes solaires et les «  cliniques » sont les  activités phares. Le nombre de patients pris en charge par  le programme a augmenté progressivement pour atteindre 456 patients inclus (Tableau V) sur 7 sites en mai 2019. Il implique 7 professionnels de santé, 18 agents de surveillance de la santé (HSA)  et des ateliers de formation sont en cours.

C’est la présentation du projet ALBA qui a meublé la dernière session des assises. Il a été co présenté par Mme MATEL et le Docteur Nassifatou TITTIKPINA et portait sur la proposition d’un protocole de formulation et de contrôle qualité de crème de protection solaire optimisée pour la Sous-région.

Le protocole de formulation que présentait Mme MATEL est un programme d’amélioration des crèmes solaires destinées aux personnes atteintes d’albinisme oculo-cutané résidant en Afrique subsaharienne, proposé par la Fondation Pierre Fabre aux professionnels de santé et aux associations locales de patients. La formule a été mise au point et évaluée par les équipes de Recherche et Développement (R&D) des laboratoires Pierre Fabre Dermo-cosmétique (PFDC). Le projet a été conduit de Janvier à juin 2019

L’équipe du projet était composée pour la Fondation Pierre Fabre de Jean Paul CAUBERE (directeur scientifique) et Léa MATEL et Centre de recherche et développement en dermo-cosmétique de Valérie Perier (Responsable laboratoire de formulation PFDC) Stephanie PAULET (Technicienne laboratoire de formulation PFDC) Emelyne ROEDER (Apprentie laboratoire de formulation PFDC). Les PAA étaient la population cible

Dans le cahier de charges, la formule est destinée à toutes les parties du corps exposées au soleil et doit être minimaliste en nombre de matières premières pour une facilité de fabrication en locale et un prix de revient adapté. L’indice de protection (SPF) doit être à minima de 50 avec une couverture UVB/UVA maximisée. La formule sera conditionnée dans un pot. Les stabilités ont été suivies pendant 3 mois à température ambiante, 40 °et 45°C/75%HRet50°C

Une étude des conditions environnementales dans les pays africains (température, rayonnement, humidité…) a été menée en 2 phases : i) Etude des matières premières (filtres UV et excipients) et sélection des meilleurs candidats, ii) Etude des associations des filtres seuls et en combinaison en formulation (étude des synergies). 90 formules (ST1844) ont été réalisées et 80 formules évaluées par la méthode in vitro (ISO24443) sur l’indice de protection solaire. La méthode in vivo (ISO 24444) sur peaux saines, a concerné l’indice de protection solaire sur la formule définitive.

La procédure de fabrication comporte les étapes suivantes : se munir de gants blouse, lunettes masque, peser la vaseline dans un becher et chauffer au bain marie ou sur une plaque chauffante tout doucement, sous agitation, jusqu’à fusion complète de la vaseline (liquide transparent). Peser les deux TIO2 dans un autre recipient et ensuite introduire tout doucement les 2 dans la vaseline fondue. Agiter à l’aide d’un batteur pendant environ 30 minutes, Transférer la crème ainsi obtenue dans les pots et laisser refroidir, refermer les pots après refroidissement (pour eviter la moisissure de condensation en surface). La crème ainsi refroidie est prete à l’emploi.

Figure 16: Pictogramme d’illustration de crème solaire

Un pictogramme doit être mis sur le pack pour assurer une meilleure compréhension.

Le mode d’application et la quantité d’utilisation sont à definir (noisette?). Lafréquence d’application (dès l’exposition au soleil et à renouveller régulièrement).

Mise en place d’un contrôle des crème par le test des cendres (residu des TIO2) à la faculté de  pharmacie de Lomé.

L’utilisation de cette nouvelle formulation est volontaire. Négociation des prix de filtres puis achats locaux. Dossier technique à disposition (formule, protocole de fabrication, fiche de sécurité des actifs).

Figure 17: Docteur Nassifatou Koko TITTIKPINA

Le protocole de contrôle qualité d’une crème de protection solaire optimisée a été proposé par Dr Nassifatou Koko TITTIKPINA (Figure 17), Assistante en Chimie analytique à la Faculté des Sciences de la Santé (FSS). Elle a rappelé la composition de la crème : 13% de dioxyde de titane (TiO2) et 87%devaseline (Pour 100g de crème il faut 13g de TiO2 et 87g de vaseline). Le TiO2 est une matière inorganique utilisée dans les crèmes solaires sous forme de nanoparticules, filtres chimiques qui absorbent, réfléchissent et/ou dispersent les rayons UV. La vaseline (matière organique) atténue l’énergie apportée par les rayons UV de forte énergie, ce qui fait que les rayons de forte énergie sont transformés en rayons de faible énergie.

Les méthodes de contrôle qualité sont la méthode des cendres et la complexométrie. L’évaluation de la teneur en matières organiques (vaseline) consiste à réduire la crème en cendres et déterminer la masse ou le pourcentage de vaseline qu’elle contient.  Si le pourcentage de vaseline appartient à l’intervalle 87 ±2% de la masse pesée sèche, la crème est conforme. La teneur en matières inorganiques se mesure par le dosage du TiO2 dans les cendres résiduelles par spectroscopie d’absorption atomique ou spectroscopie d’émission atomique avec plasma à couplage inductif (ICP-SEA) ou par complexométrie. Le pourcentage de TiO2 doit être compris dans l’intervalle 13±0,2% de la masse pesée sèche.

Le matériel nécessaire pour le contrôle est : four à moufle, creusets, pince, gants, cloche à vide ou pot de mayonnaise, étuve, béchers, burettes, agitateurs magnétiques, potences (Faculté). Les réactifs chimiques et les matières premières (vaseline pure, TiO2) seront reçu de la Fondation. L’acquisition de tout ce matériel s’inscrit dans le Programme Fondation Pierre Fabre et Filière pharmacie du Togo

Ce contrôle qualité fera l’objet de travaux pratiques de contrôle qualité  pour les étudiants en sciences pharmaceutiques (semestres 7 et 8 ou 4e année).

Ces dernières présentations ont ensuite fait l’objet de questions-réponses très enrichissantes.